Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le pays imaginaire de Defy
9 décembre 2005

30 avril 2004 – La série noire continue

Comme nos ennuis mécaniques semblent futiles désormais. Remarquez, c’est pas que ça m’angoissait beaucoup avant. Ce matin, on a très mal commencé la journée. Michel avait rejoint la marina en annexe dès l’ouverture du cyber à 9 heures. Il devait recevoir des schémas d’inverseur et des références de pièces ainsi que les coordonnés des concessionnaires Volvo sur l’ensemble du continent américain – en gros, il panique et fait n’importe quoi pour feinter à Don Jiminy qui attends la livraison de son tourneur. Du coup, nous, quand le skipper s’affole, on la joue profil bas. On était resté à bord. Raymond n’avait pas envie de bouger, Patrick non plus et moi, je m’étais fait un programme épluchage de légumes, pétrissage et confection de pain, et composition de salade géante. On était tous plutôt zen quand Michel nous a appelé depuis la VHF portable pour annoncer que Raymond devait descendre à terre pour téléphoner. Je crois qu’on s’est tous immédiatement rendu compte que c’était grave. Lorsqu’on a rejoint Michel au Cyber, il avait l’air sombre. La fille de Raymond avait eu un accident d’escalade en montagne. Il fallait qu’il appelle sa femme. Après le coup de fil, on en savait plus, mais Raymond était inerte, comme sonné. Il répétait sans cesse qu’il fallait qu’il parte. Je l’ai conduit au café de la marina afin qu’on réfléchisse ensemble à ce qu’il était possible de faire en buvant un café. Michel, comme détaché et indifférent, n’avait pas adressé la parole à son ami d’enfance depuis le coup de fil. J’ai fait parler Raymond. C’était pas facile. Sa fille est tombée. Elle faisait de la varappe dans les Alpes et elle est tombée. Apparemment, le système de fixation du baudrier a merdé. Elle est en réha. Traumatisme crânien, caillot dans le cerveau et tout le toutim. Raymond veut tenir la main de sa femme, être auprès de sa fille. C’est juste LA situation qui vous hante quand vous partez en voyage : la tragédie qui frappe l’un de vos proches alors que vous êtes au loin. Ne pas pouvoir les enlacer, les rassurer, partager la peine ou l’angoisse, être loin, si loin et coincé là. Comme il doit se sentir seul. Très vite, il décide de rentrer. Il veut se rendre à l’aéroport maintenant. Il ne réfléchis plus. Il est fébrile. Je lui propose de commencer par retourner au cyber pour connaître les horaires des vols. Cela lui semble trop long. Il a besoin d’action. Je conserve la VHF et l’envoi faire ses bagages sur Aramis. L’action, quelle qu’elle soit lui permettra de mieux supporter son impuissance. Je le quitte sur la plage, le cœur serré. Raymond est un homme merveilleux. Calme, posé, un vrai gentil. Doux, toujours souriant… Je me précipite au cyber et je trouve un vol. Départ de l’aéroport de Tocumen à 13h40. Arrivée à Miami à 17h44. Longue escale. Il ne repartira que le lendemain à 7h35. Arrivée à 22h35 à Paris. Puis le train jusqu’à Strasbourg. C’est le premier vol. J’imprime et je file à la plage. De là, j’appelle Raymond sur la VHF. Il veut tenter ce vol. En attendant qu’il débarque, je cours jusqu’à la capitainerie pour commander un taxi. L’avion décolle dans deux heures. C’est juste. Mais le taxi me signale qu’il existe une autoroute, certes payante, mais qui permets d’échapper aux bouchons. On n’est pas à 5 dollars prêts. Fissa. À l’aéroport, on fonce au guichet. Il reste des places sur les vols que j’ai repéré sur le net. Vendus. Mais Raymond doit embarquer de suite. Je lui demande de me laisser le numéro de sa douce. Je lui promets de faire tout mon possible pour la rassurer. Dès qu’il a franchi la porte d’embarquement, j’appelle son épouse. Il y a plus de six heures de décalage et j’entends la tension dans sa voix quand je décroche. Sa fille à l’hôpital, une voix étrangère au téléphone le soir… De quoi faire rendre très très nerveux. Je fais dans le factuel. « Je suis Defy, je suis sur Aramis avec Raymond. Il vient de prendre le premier avion pour Miami. Il sera en escale à Miami de telle à telle heure. Ne vous affolez pas en cas de coup de fil nocturne. Il veut être auprès de vous. Il atterrira à Paris à telle heure, prendra un train et sera à la gare de Strasbourg, auprès de vous à telle heure. » Après je lui dirais tout l’empressement de Raymond, son désir d’être avec elle. Ce sera plus long et je ne raccroche qu’en la sentant plus apaisée. Au retour dans le taxi, je vois un écureuil volant traverser l’autoroute en planant. C’est gracieux, un message d’espoir ?
e_cureuil

Panamá City, 8° 58 N - 79° 32 W

Publicité
Commentaires
C
Si je meurs un jour (on sait jamais, je suis peut être immortel en fait), je veux être réincarné en écureuil volant.<br /> (Ou en buisson de bambous à la rigueur).
Le pays imaginaire de Defy
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité