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Le pays imaginaire de Defy
22 février 2006

23 mai 2004 : La Boulangère et la mer

Rien de spécial à raconter pour ces premiers jours de traversée si ce n’est que je renoue avec les plaisirs de la haute mer. Et que la cohabitation se passe plutôt bien malgré la séance de jeudi dernier lors du départ. C’était Hiroshima ! Je vous ai dit ! ! ! Je suis montée en pression et ai eu une prise de bec terrible avec Michel qui refusait de faire demi-tour pour me laisser débarquer, arguant du fait que j’avais des engagements vis-à-vis de lui et que je devais accompagner Aramis jusqu’aux Marquises. Voyant que le conflit ne mènerait à rien, j’avais cédé, lui annonçant que je ne lui donnerais plus un rond pour le voyage. Mais voilà, je me demande bien qui me prendra à son bord aux Marquises une fois la grande traversée effectuée. La navigation se limitera à des petites distances qui ne nécessiteront pas d’équipier en renfort. Et puis j’ai horreur de me sentir prise au piège, manipulée comme ça ! Je suis incroyablement déçue et épuisée d’avoir assumé pendant deux jours et deux nuits les quarts de Michel en plus des miens. Cela signifiait pour mois 6 heures de veille non-stop interrompues par 3 heures d’un repos très relatif, le bateau étant confié à Patrick dont l’incompétence crasse ne me permet pas de me laisser aller à un sommeil profond. Depuis que Michel a repris son poste à ma demande, je passe l’essentiel de mon temps à dormir. Je le soupçonne de m’avoir joué le malade imaginaire, l’ayant surpris à plusieurs reprise à se déplacer sans effort et à faire des mouvements qu’un dos blessé n’aurait pas dû lui permettre. Mais je refuse de me laisser aller dans la voie de la paranoïa et du ressentiment, ça me gâcherait ma traversée. Côté nautique, nous passons beaucoup de temps à manœuvrer. Le Pacifique est surprenant, changeant aussi vite d’humeur que la Méditerranée. Le vent passe sans prévenir de 10 à 25 nœuds et peut tout aussi bien varier de 40° dans la même journée. Pour l’instant, à une latitude de 04°27’ Sud, les alizés ne sont pas établis. Les pilot charts nous promettent une situation plus stable vers le 05° Sud. Entre deux dodo – n’importe quand, à n’importe quelle heure, revirement total pour quelqu’un qui souffre épisodiquement d’insomnies –, je me lance dans l’apprentissage de la boulangerie. C’est loin d’être trivial. C’est un art, je le savais. J’ai toujours trouvé que le pain ne souffrait pas la médiocrité. On peut moyennement réussir un gâteau mais le pain… La sentence est toujours sans appel ! Le four au gaz, monté sur cardans, essaie constamment de me mordre et j’ai les poignés marqué par deux brûlures fruit de nos combats. Le Pacifique ne m’aide pas. Toujours aussi cyclothymique, il s’est gonflé depuis notre départ d’une longue houle de 2 mètres. J’ai mis au point une procédure :
petrissage levee cuisson
1 – Dans un verre d’eau à température ambiante (27°), tu verses une cuillère à café de levure de boulangerie et une pincée de sucre. Tu touille. Calle le verre à cause des coups de gîte qui pourraient le renverser et passe à l’étape 2. 2 – Tu sors ton lecteur CD (ou MP3 si t’es djeunes, riche et chébran). Tu te choisis de la bonne zique qui bouge, tu calle le lecteur dans sa ceinture et tu mets en place les écouteurs. 3 – Sors la farine du coffre (attention les doigts… c’te galère à chaque fois de maintenir le couvercle et le coussin pendant qu’on chope un truc sans pour autant se laisser déséquilibrer par les coups de gîte ! ! !) et verse-la dans un saladier avant de caller le paquet (perso pour un vrai plan galère, je conseille plutôt de renverser la semoule de couscous, qui présente le double avantage de se répandre dans tout l’habitacle et de gonfler et coller dans les petits recoins humide… hum ! que du bonheur !). Ne pas oublier de saler ! Ta mémé a suivi un régime sans sel ? T’as goûté son pain sans sel ? Alors je peux être tranquille, t’oublieras pas de saler le tien ! 4 – Appuie sur play. Attention, à partir de maintenant tu ne peux plus toucher à rien sans l’embrener. aluo455_saloon5 – Prends le verre. Le mélange doit avoir fermenté et gonflé. Eau trop chaude, les enzymes meurent, eau trop froide, elles ne se développent pas. Verse le contenu sur la farine et commence à pétrir. 6 – Pétrir jusqu’à la chanson 7 (30 minutes). Le mouvement consiste à écraser le boudin de pâte avec le gras de la paume de la main et à le ramener en boudin avec les doigts. La pâte ne doit pas coller (trop d’eau) et être néanmoins élastique (sinon pas assez d’eau). Pour les réglages, il faut saupoudrer de farine ou humidifier avec un peu d’eau. Plus on pétrie et plus la pâte se ramollit et gagne en élasticité. 7 – Fais de ta pâte une jolie boule (ou un boudin) et mets-là à reposer et à lever au-dessus du four en la recouvrant d’un torchon (propre, c’est mieux). Allume le four. 8 – Faire une leçon d’Italien + les exercices (40 minutes) et aller inspecter la pâte. Elle doit avoir gonflé. Goûte la pâte. Ajoute du sel au besoin. C’est le moment d’incorporer de l’huile d’olive si ça te tente – moi j’adore mais d’aucun crieraient à l’hérésie – sans trop pétrir pour ne pas trop chasser l’air né lorsque la pâte a levé. Enfin, avec un couteau, zèbre ta boule de pain afin qu’elle lève vers le haut. Esthètes, badigeonnez-là de jaune d’œuf. cuisine9 – Instant de vérité, tu enfournes ta boule de pâte posée sur une feuille d’aluminium. Attention, c'est très chaud et je te rappelle que le bateau bouge, à cause que l'eau en dessous, c'est pas stable. Tu devrais laisser la biafine à poste. Tu en auras besoin pour ta deuxième brûlure lorsque tu sortiras le pain du four. Certains mettent la pâte dans un moule. Je ne vois pas l’intérêt, mais c’est lié au fait que j’aime la croûte croustillante. 10 – Il faut laisser cuire. Le temps de cuisson est variable alors le mieux c’est de surveiller la première fois pour connaître son four. L’idée, c’est que ça met un peu de temps à cuire, mais que par contre, on bascule très vite dans le trop cuit. Et trop cuit, c’est sec dès le lendemain. Faut tenter diverses méthodes et températures de four. Le nôtre, je le mettais sur feu moyen/fort et cuisson de 30 à 40 minutes. Si on aime une croûte épaisse, il faut baisser le feu. Allez, à toi ! Il y a plus qu’à ! Nous, là, c’est l’apéro. Planteur et bananes plantains frites !

Pacifique, entre les Galápagos et les Marquises, 04° 19' S - 96° 25' W

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